Bureau et Appartements de Rüdiger Heinrisch

Le sas froid et dur de l'extérieur de la pièce, donnant sur le couloir, contrastait très fort avec l'intérieur du bureau de Rüdiger Heinrisch. Mais avant d'y pénétrer, il fallait passer par celui, beaucoup plus exigu, de sa secrétaire personnelle, qui veillait comme un chien de garde à toutes les personnes qui passaient par là, même en l'absence du prêtre.

Le bureau de celui-ci était sombre, avec une décoration sobre, mais élégante. Un lourd bureau en ébène finement cisaillé de détails floraux était surmonté d'une lampe de bureau dorée à l'axe mouvant. Les murs de la pièce étaient recouverts d'une peinture pourpre, et tous les mètres, une lampe murale accordée à celle du bureau était accrochée. Trônant derrière le bureau, un imposant crucifix en bois sombre était accroché, nu, sans représentation du Christ ni aucune fioriture inutile. Une simple croix de bois noir...

Sur la droite se trouvait une imposante bibliothèque contenant des manuscrits très anciens et uniques, qui relataient des choses que la plupart du commun des mortels n'aurait jamais le privilège de lire. Des manuscrits occultes à la genèse de la bible, de livres de politique à des livres de droit, d'histoire des religions. Tous étaient recouverts de couvertures en cuir, parfois plutôt abîmées.

En vis à vis de cela, une porte, en ébène elle aussi, donnait sur les appartements privés du prêtre. La décoration était semblable. L'imposant lit et les meubles étaient eux-aussi faits de bois sombre, et les couvertures de couleur pourpre. Un autre crucifix, plus détaillé cette fois, pendait au dessus du lit. Une garde robe immense était installée sur le mur à droite, mais mis à part les soutanes et chapeaux, chemises et sous-vêtements de Rüdiger, nul ne savait ce que contenait ce grand meuble. En face de cette armoire était accroché au mur une peinture connue de tous les terriens, qui avait pu réchapper à la perte des oeuvres majeures des grands musée de la Terre: la Joconde était mise en valeur par deux spots de lumière faible qui protégeaient la précieuse peinture, tout en révélant les détails artistiques de l'oeuvre.




Rüdiger entra enfin dans les lieux qui lui étaient réservés. Après avoir salué avec bienveillance sa secrétaire, il entra dans les lieux en poussant un soupir satisfait. Ici avait été reconstitué, à sa demande, la réplique exacte de son bureau et de sa chambre sur terre. Il avança vers son lourd siège d'ébène et s'assit confortablement à son bureau, regardant les quelques papiers qui déjà traînaient par-ci par-là. Il les étudia chacun soigneusement, sans rien dire, avant de se relever après quelques minutes. Il avait fait une promesse à l'un des scientifiques de l'équipage, Monsieur Xanto, et il comptait bien tenir sa promesse... Ce n'était pas le moment de tromper son monde, surtout en cette période du deuxième tour des élections... Il sortit de la pièce en donnant des consignes précises à sa secrétaire...

« Vous noterez avec précision toutes les personnes qui se présenteront à mon cabinet durant mon absence, ainsi que le motif de leur visite. Je ne sais pas quand je reviens, ne les retenez donc pas, je les contacterai moi-même quand j'en aurai le temps... »

La secrétaire qui était confortablement installée dans son fauteuil de cuir, tapotait sur les touches tactiles de son ordinateur incrusté dans son bureau en verre.
Elle leva la tête et répondit d'un ton sérieux :

Bien monsieur, je ferais un listing détaillé et vous en ferez part lorsque vous me le demanderez.

C'est noté.

Non monsieur, il n'y a personne pour le moment.

Elle réfléchis un instant.

Hum...

Ah si, j'ai eu une plainte en ce qui concerne un petit litige dans la cantine.
Une femme aurait voulu manger deux fois ce midi, le cuisinier ne voulait pas...

C'est alors que les quatres conseillers : Monsieur Ferdinand Forez, Sandra Valette, Hanz Kaller, ainsi que Andréa Morati se présentèrent au bureau du Gouverneur.

Ferdinand Forez prit alors la parole :

Ferdinand Forez, je suis l'ex conseillé du gouverneur de Suède, qui as réussit à me pistonner pour monter à bord de Utopia1 alors que celui-ci voulait rester sur terre, et mourir avec sa patrie.
Je pense donc avoir une solide formation politique et j'ai étudié pendant près de 10 ans en droit, pour atteindre ce niveau.
En ce qui concerne mon point de vue sur la politique que nous mèneront sur le vaisseau, elle sera identique à la vôtre. Je vous connais indirectement et j'ai beaucoup entendu parler de vous.


Sandra Valette, qui était la seconde assise, se leva alors d'un air certain et prononça d'une voix assez forte :

Je suis Sandra Valette.
Mon père, qui est à bord de ce vaisseau a participé à l'élaboration des listes de Utopia1, il a donc pris soin d'y inscrire sa famille, et tout particulièrement moi.
J'ai fini mes études en droit et je me suis fait connaitre par-ci par-là sur le vaisseau. Ma popularité ayant grimpée alors que je ne connaissais personne, je suis devenue la présidente de l'association des animaux. Je gère notamment les vétérinaires et les zoologistes qui s'occupent des animaux présents dans ce que l'on appelle les Jardins d'Utopia1.
Je trouves d'ailleurs que le nom de Jardin n'est pas très approprié car c'est plus une réserve d'animaux que des jardins pour ce promener, à ce propos j'ai une anecdote qui...

Elle regarda autour d'elle et put voir que les autres étaient fatigués de l'entendre : Andréa Morati vint même à bailler...

Euh... Pour finir, la politique que je conduirais sera d'aider le conseil à mener Utopia1 à la trouvaille d'une planète habitable sans qu'il n'y ais de bavures...

Elle s'assit alors subitement.
Hanz Kaller, qui la fixait depuis le début, se leva droit comme un I et s'exprima sur un ton militaire :

Hanz Kaller, ancien Général des forces de polices allemandes.
J'ai participé aux opérations de protection des personnes listées pour la sélection de Utopia1. Nous avions beaucoup de jaloux qui voulaient jusqu'à tuer nos listés, mon devoir était de coordonner les forces pour les protéger.
Vous vous demandez peut-être ce que je fais ici, parmi les politiciens, tout simplement parce que j'ai un talent de persuasion incroyable.

Il bomba alors le torse, se prenant ainsi de haut.

D'après mes supérieurs, je suis un très bon propagandiste et je sais convaincre la populasse.
Avec moi, vous n'aurez aucun soucis de contradiction !
Ma politique ? Le discours !

Il s'assit aussi rigidement qu'il s'était levé et ne cessa de fixer Rüdiger Heinrisch.


Andréa Morati, était une personne plutôt discrète, mais avait la réputation d'être influent.
Il se leva doucement et prit le temps d'ouvrir la bouche avant de sortir chaque mots, qui avaient l'air d'être soigneusement choisis dans son discours.

Je m'appelle Andréa Morati. J'étais un des rédacteurs en chef du journal "La Terre", très populaire sur cette planète en voie de perdition. Je connais d'ailleurs les journalistes de l'Utopien ainsi que beaucoup des membres des journaux mineurs. Je pense que je serais utile lorsqu'il y aura des problèmes médiatiques ou tout simplement lorsqu'il faudra discourir devant les civils.
Je tiens à faire part d'un sujet que je pense fondamental sur le vaisseau que j'aimerais que vous présentiez au conseil, qui est celui des loi et de la justice d'Utopia.
Car il n'y a à ce que je sache aucune loi sur Utopia1, et je pense que sans loi, notre pouvoir directionnel va très vite s'effondrer...
C'est un sujet qui, je pense, est incontournable...

Il s'assit enfin.

Peter Jackson, lui resta silencieux durant un petit moment. Puis il se leva et son regard bleu sombre croisa celui du gouverneur. Un léger frisson parcourut l'échine de ce dernier. Un voix calme et glaciale se fit alors entendre:

_ Je me nomme Peter Jackson , j'étais vendeur d'import export de viande. Je ferais de mon mieux pour faire de ce vaisseau un havre de paix.

Puis, il se réinstalla confortablement dans son fauteuil. Un certain charisme dégageait de cet étrange individu, comme s'il possédait une aura de commandement.

Tous attendaient la réaction de leur gouverneur...

Rüdiger Heinrisch écouta attentivement la présentation de chacun des membres de son conseil. Il sourit en voyant se présenter un homme qu'il connaissait de réputation, Monsieur Forez, qu'il avait déjà croisé quelques fois à des réceptions sur terre, sans avoir le souvenir de lui avoir jamais parlé. Il savait qu'il tenait là un bon élément...

Vint alors le tour de Sandra Valette, qui se présenta comme une écologiste bavarde et pistonnée par son père. Elle parla aussi de la découverte d'une planète viable à l'espèce humaine, ce à quoi Rüdiger ne prêta pas beaucoup attention, ceci étant un projet hypothétique d'un futur lointain, et ce qui l'intéressait était plutôt la gestion du vaisseau dans le présent et dans le futur proche.

Il écouta Hanz Kaller se présenter, tout en se demandant ce que cet ancien gradé de la police allemande faisait dans la politique.

Il laissa ensuite le délégué de presse se présenter en voyant parfaitement le rôle important qu'il allait pouvoir jouer par la suite pour le gouvernement...

Le dernier qui se présenta jeta un froid dans la pièce. Rüdiger, bien que convaincu du charisme impressionnant de l'homme, se voyait mal secondé par un boucher aux idées utopiques reconverti dans la politique...

Il marqua alors un moment de silence, de recueillement, de réflexion, et commença à parler d'une voix sympathique, ais professionnelle. Ils e tourna tout d'abord vers Hanz Kaller.

« Monsieur Kaller, vous allez m'être utile... Ma première décision en tant que gouverneur sera, au vu des tensions entre civils et militaires, de créer une police qui veillerait sur les civils sans plus aucune intervention militaire. Les soldats pourront alors effectuer des travaux qui leur sont plus appropriés, et la population se sentira en sécurité, et tout débordement sera quand même contrôlé. J'attends de vous et de vos hommes une conduite irréprochable, une rigueur militaire, tout en étant à l'écoute des civils... Vous pouvez dès à présent aller contacter le Général Weolyn de cette merveilleuse nouvelle dont je vous fait le messager. Je compte sur votre persuasion pour qu'il l'accepte sans rechigner, cette solution étant favorable aussi pour lui... »

Il attendit que l'homme se lève avant de le quitter du regard et de se tourner vers Andrea Morati.

« Monsieur, vous savez combien les médias et la presse sont importants en politique. J'espère avec votre soutien assurer une bonne entente entre les journalistes et les politiciens. Assurez-vous qu'ils servent bien nos intérêts et qu'ils soient avec nous dans tous leurs discours ou articles. Ne les forcez pas, bien entendu... Influencez les avec vos contacts dans ce milieu pour montrer que nous faisons un bon travail. Je vous demanderai aussi des rapports fréquents basé sur des sondages et des recensements de la population du vaisseau sur leur avis concernant la politique que nous menons, leurs besoins et envies... Je compte sur vous, vous pouvez disposer... »

Il parla alors à la demoiselle du groupe.

« Mademoiselle Sandra Valette, si j'ai bien compris, c'est la partie scientifique de ce vaisseau qui vous concerne le plus. Je vous délègue donc à la tâche de surveillance des scientifiques et de leurs recherches, sur lesquelles vous m'apporterez des rapports fréquents, ainsi que sur l'utilisation concrètes de leurs trouvailles. Vous serez aussi mon contact avec Monsieur Oromis. Je compte sur vous pour qu'il apprécie la liberté d'action que je leur laisse...Bon travail et bonne journée! »

Il regarda alors les deux conseillers restant l'un après l'autre en souriant. Ils e décida finalement à parler d'abord à Ferdinand Forez.

« Monsieur Forez, vous savez comme je suis heureux d'avoir un homme de votre trempe à mes côtés. Je vous serais donc gré de me servir de conseiller personnel. Vous m'accompagnerez partout où je vous demanderai de me suivre, et me donnerez vos conseils avisés que je vous le demanderai... Veuillez maintenant patienter quelques instants dans le bureau de ma secrétaire à côté, en ayant l'obligeance de fermer la porte derrière vous. Merci... »

Il attendit que la porte soit fermée pour regarder mystérieusement le dernier des conseillers.

« Monsieur Jackson, vous vous doutez que je ne vous ai pas gardé ici en dernier lieu fortuitement. Je vais vous confier une tâche qui demandera de votre part la plus grande discrétion... Officiellement, vous serez affrété aux affaires techniques du vaisseau, mais ce domaine ne posant aucun problème, visiblement, votre tâche consistera à surveiller le travail assidu de vos collègues. Vous me ferez des rapports fréquents sur leurs prouesses et leurs éventuels échecs. Je compte sur votre discrétion, vous mesurez parfaitement ce qui pourrais arriver si jamais vous vous faites remarquer... Je ne serais pas content, vous voyez... Allez donc, maintenant... »

Il attendit un instant que l'homme sorte, puis appuya sur l'interphone pour demander à sa secrétaire de faire à nouveau entrer Monsieur Forez. Une fois qu'il fut assis, il lui parla d'une voix enjouée.

« Alors,monsieur Forez, que pensez-vous de vos collègues? »

Vous êtes au courant du mort dans le secteur D. Et il ne fait pas parti de l'équipage du vaisseau ni civils ni technicien, ni militaires et ni scientifique. Il n’appartient pas au vaisseau et je pense que ce n'est pas le seul et pourtant il a voulu me prévenir d'un danger qui pèse sur moi.

Enfin bref nous sommes plus nombreux que prévu !